Les personnes autistes ne savent pas communiquer ?

Les personnes autistes ne savent pas communiquer

Extrait de l’article de Sonia Fiquet, éditorialiste sur le site LeTSA.fr

Les personnes autistes ne savent pas communiquer

C’est faux !

Dans ma réponse, je vais mettre de la mesure et de la précision.

En effet ce que nous cherchons à casser, ce sont les fausses représentations. Et souvent les personnes qui ne connaissent pas l’autisme pensent :

« Tous les autistes n’arrivent pas à communiquer oralement. Ils n’arrivent pas à s’exprimer, ils sont enfermés dans leur silence. Ou bien ils ont la parole mais parlent avec « eux même » et ne savent pas établir la communication avec les autres. »

Et là, bien sûr que c’est faux.
C’est d’ailleurs la différence entre l’autisme verbal et celui non verbal. Il existe effectivement des personnes autistes qui n’arrivent pas à parler, à mettre des mots sur leurs pensées pour pouvoir s’exprimer et se faire comprendre ou qui n’arrivent pas à entrer en contact, notamment le contact visuel.

Maintenant à la question : tous les autistes ne savent pas communiquer, nous pourrions répondre oui ; car en effet, ce qui caractérise l’autisme c’est bien une déficience de la communication plus ou moins sévère mais qui existe réellement. Mais c’est bien plus subtil que cette histoire de verbal ou non verbal.

Savoir parler ne veut pas dire savoir communiquer correctement. Parler avec les autres et aux autres ne veut pas dire savoir créer le lien, partager le moment.

Qu’est-ce que la communication ? qu’est-ce que communiquer ?
Communiquer, c’est l’action de transmettre à l’autre. Créer un lien avec l’autre pour pouvoir échanger une idée, partager un point de vue, une opinion, une information, une intention, un sentiment.

La communication se décompose en deux parties : le verbal, les mots, qui représentent 7% du message environ, ces mots auxquels les personnes autistes verbales s’accrochent comme des moules à un rocher. (J’adore l’image, je vois pleins de petites moules s’agrippant avec leurs petites mains à des rochers !).

Les mots qui donnent du sens, les mots qui construisent la pensée, les mots qui sont communs à tous, grâce à leur définition que l’on retrouve dans le dictionnaire. Cela s’appelle le sens littéral des mots !!! Et nous, les autistes nous pensons que c’est ça le sens des mots : la définition dans le dictionnaire.

Nous basons notre communication en grande partie sur l’analyse des mots employés par l’autre. Il utilise ce mot là, alors cela veut dire cela (nous allons chercher dans notre base de données bien organisée, bien classée). Or cette pensée est erronée, car sous chaque mot se pose le poids de la représentation que nous en avons, de la valeur que nous y mettons, des repères de notre histoire, notre éducation, nos croyances etc. Par exemple, si je vous dis un mot aussi simple que « table », chacun va la voir comme il se la représente dans son esprit : en bois, en fer, ronde, carrée, basse, salle à manger, cuisine… Mais si c’est un mathématicien, peut être va-t-il penser à table de multiplication, et si c’est une repasseuse, elle va penser à une table à repasser, le parent d’un bébé pourra penser à une table à langer…
Bref, notre histoire fabrique notre représentation du verbal.

Nous, les autistes, nous avons une fâcheuse tendance à penser que tout le monde pense comme nous. Voilà pourquoi par exemple, quand quelqu’un n’utilise pas la même définition que nous pour un mot, cela nous met en colère. Et je ne vous raconte pas quand il s’agit de définir en mot des valeurs comme amour, liberté, capitalisme, etc… DES VALEURS CONCEPTUELLES.

Nous voyons donc comment juste les mots peuvent nous tromper dans notre communication, et cela n’est pas réservé aux autistes, mais vous comprenez mieux l’impact de notre rigidité sur les valeurs que l’on donne au verbal. Sur le classement de l’information.

Et maintenant rajoutons la communication non verbale qui représente 93% du message. C’est quoi la communication non verbale ?

En premier lieu, ce sont les mimiques, les expressions du visage : une des particularités que l’on retrouve chez les personnes porteuses d’autisme c’est d’avoir des difficultés avec les émotions. La gestion des siennes, mais aussi, souvent, de ne pas savoir décrypter les émotions des autres. Souvent on pense savoir le faire, (surtout quand nous sommes autistes Asperger et/ou HPI), mais on se trompe soi-même.
Nous interprétons. Interpréter c’est projeter sur l’autre nos propres pensées, nos propres raisonnements. Bien sûr, c’est plus ou moins exagéré, selon notre degré de sévérité et notre autisme. Mais nous communiquons souvent en regardant l’autre faire, en nous adaptant. Et j’allais dire en nous sur-adaptant.
Et puis les éléments qui composent la communication non verbale c’est aussi : les intonations de la voix, les choix exposés à travers notre look, nos attitudes, nos gestes, nos postures, mais également nos intentions et puis surtout l’implicite ! L’implicite ! ce qui se cache derrière le message explicite.

Si nous reprenons les critères de l’autisme dans le DSM5, nous comprenons que forcément, si nous sommes autistes nous avons des soucis de communication. Mais pas comme l’inconscient collectif le pense. Non c’est beaucoup plus subtil. Nous n’allons pas comprendre : une logique, un ordre, une blague. Nous n’allons pas comprendre le sens de telle ou telle phrase. Nous n’allons pas comprendre pourquoi cette personne agit comme ci ou comme cela. Nous n’allons pas comprendre le langage d’une métaphore, d’une image.
Nous n’allons pas comprendre l’intention de la personne : elle me sourit : « est-elle contente ? est-ce du sarcasme ? pense-t-elle à quelque chose d’agréable? ce sourire m’est-il destiné ? » mille questions qui se posent, alors que nous sommes bloqués sur notre second degré cognitif, à essayer de décrypter correctement ce qui se passe. Et souvent, de façon totalement inconsciente du phénomène, qui est en train de se dérouler.

Par exemple, dernièrement, une personne en visioconférence qui parlait en présentant son activité disait : « j’ai tel groupe commercial derrière moi », alors j’ai regardé derrière elle et j’ai vu sa cuisine ! Oui bien sûr, je me rattrape tout de suite, je compense rapidement, mais j’ai vu la cuisine avant de comprendre l’implicite de la phrase. Et cela, je le vis en permanence. Et personne ne le voit. Ce petit décalage, où il faut que je cours derrière la bonne information.
On nous appelle les caméléons, nous sommes de très bons imitateurs. Car n’ayant pas de réels repères, nous passons notre temps à regarder les autres faire, pour savoir comment réagir, comment se positionner.

Donc, à la question : tous les autistes ont des problèmes de communication, je réponds oui, un grand oui ! Mais ne pas confondre la communication avec le fait de parler et de créer du lien.

On peut savoir parler et même donner l’impression de créer du lien, et pour autant avoir des mauvaises relations avec les personnes, ou pas de relation du tout, ou des relations biaisées.

Il existe des thérapies en vue d’aider les personnes autistes à mieux vivre avec leur handicap invisible, et notamment en travaillant sur les codes sociaux et la communication relationnelle.
Savoir et connaitre ces particularités c’est être lucide, être lucide c’est accepter. Accepter c’est s’aimer comme nous sommes. C’est acquérir de la confiance en nous même pour faire augmenter l’estime de soi : la valeur que l’on se donne.

Cet article est écrit par une personne avec un trouble su syndrome autistique (asperger), nous pouvons donc aussi apprendre à mieux communiquer. Notre TSA ne nous détermine pas.

Sonia Fiquet, Editorialiste LeTSA.fr

Compétences

Posté le

18/05/2023

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